DFP [Day Forum Party] #1

  Une jeune fille blonde regarde derrière elle. Une dernière pensée pour sa sœur avant de sortir du train. Elle pose un pied sur le sol de pierre. A peine a-t-elle rejoint l'Arche de Passage que l'engin à charbon s'en va. Sous les yeux émerveillés de la jeune Alice se découvre Wonderland. De hautes tours s'élèvent, emmenant leurs murs fleuris jusque dans les cieux. Des maisonnettes forment les différents quartiers de la ville. Des nuées de roses, de bleus et de verts semblent s'échapper des toits colorés. On entend l'orchestre qui joue sur la place. Il y a un banquet. Alice sourit. La voici arrivée dans sa nouvelle maison. A peine est-elle là que la fête commence ! Elle se précipite vers l'Arche en riant. Les hôtesse la regardent impassiblement. Elles portent toutes les deux des vêtements militaires blancs, noirs et rouges. Chacune d'elle a un numéro inscrit à côté d'un petit cœur. On croirait presque des cartes. Alice tend ses tickets de passage vers la brune. L'hôtesse plisse les yeux avant de passer les papiers à sa collègue. Alice se tourne alors vers elle. Elle a les yeux bridés et une frange coupée. Ses lèvres esquissent une moue rose bonbon.
  Alice court vers le bus. Elle s'accroche à la barre de service et réussit à se hisser à l'intérieur avant qu'il ne parte. Ses cheveux volent, emportés par le vent. Alice a un visage fin et de petits yeux bleus. Elle retient sa robe azur et se cramponne à sa valisette docteur. A côté d'elle, un soldat de la reine la dévisage. Il y a les yeux verts et ses cheveux châtains sont en bataille. Il porte une casquette noire, comme ses vêtements. Des insignes sont accrochés sur sa veste. Le bus s'arrête et Alice rougit. Depuis quand détaille-t-elle les gens ainsi ? Le garde esquisse un pâle sourire. Il l'invite à descendre. Alice reste stupéfaite sur la chaussée. Stupéfaite. Stupéfaite par l'éclat qu'elle vient de voir dans les yeux de l'agent. Sa détresse l'a absorbée toute entière. Personne ne fait attention à Alice. Le monde continue de vivre. Et, elle n'a pas payé son trajet. Elle baisse les yeux sur la route devant elle. Sa mine s'est assombrie. Elle paraît plus triste. Mais, rien ne peut l'empêcher d'atteindre son but. Elle sert les poings et se met en route.
  Elle sort une carte d'une des pochettes de son bagage. Elle est là. Elle doit aller là. Elle doit être là. Depuis déjà cinq minutes. Elle écarquille les yeux. Elle est en retard ! En retard ! Jamais, elle n'a été en retard ! Elle se hâte de rejoindre sa nouvelle maison. Se ruant dans les tournants, elle oublie d'ajuster ses jupons. Lorsqu'elle s'en rend compte, un souffle emporte sa carte dans les airs. Interdite, elle regarde le bout de papier s'élever dans le ciel. Elle doit rejoindre la rue Sweet Amoris. Il faut d'abord passer par l'avenue Faraize. Il y a des pancartes. Un tourbillon de pancartes qui défilent devant ses yeux. Des noms inconnus. Des noms qu'elle n'a pas lu. Trop de noms. Perdue. Elle est perdue. Elle tombe a genoux sur le sol. C'est un choque. Elle est perdue. Perdue ! Perdue ! Perdue !
  Tout est noir autour d'Alice. Sombre. Des nuages violets viennent même s'y accoler. Elle ne sais plus quoi faire. Elle n'arrive pas à pleurer. Elle aimerait relever la tête mais, elle n'y arrive pas. Tout semble terminé. Il y a trop de choses. il manque trop de choses. Tout s'emmêle. Rien n'est pareil. Rien n'est plus pareil. Rien n'est normal. Quelque chose ne va pas. Elle disjoncte. Même lui, il réapparaît. Une tête brouille son champ de vision. Un garçon aux cheveux rouges. Il sourit l'air arrogant. Il est tout de cuir noir vêtu. Les brumes violines l'entourent. Il joue avec. Ses yeux marrons se rient d'elle. Elle le voit se rapprocher. Puis, se reculer. Revenir. Repartir. S'en aller. Disparaître. Réapparaître. Arriver. Il éclate d'un rire noir. Elle n'entend plus que le son de sa voix.
- Tu es perdue, dit-il.
Perdue. Perdue. Se mot résonne dans le fond de la tête d'Alice. Celle-ci semble vouloir éclater. Se respiration devient saccadée. Va-t-en cauchemar !
- Tu es perdue.
Elle cligne des yeux. La voix du cauchemar se change.
- Tu es perdue ?
Non, ce n'est plus la même voix.
- Oui.
Elle lève peu à peu son visage vers celui de la personne qui l'appelle. Elle s'est mise en boule et se lève petit à petit. Mince. Voila maintenant qu'elle voit double.
  Deux jeunes garçons sourient à Alice. Ils portent les mêmes vêtements que l'officier qui était dans le bus. Ils ont des gardes en moins. Il se ressemblent beaucoup mais, l'un a les cheveux bleus et l'autre les cheveux noirs.
- Je suis Tweedle Alexy, s'exclame le bleu.
- Et moi, c'est Tweedle Armin ! annonce le noir.
Alice rit. C'est marrant. Ils ont l'air si attachants !
- Tweedle et Tweedle, alors ? Moi, c'est Alice ! Je cherche...
Alexy ouvre la bouche.
- Non ! S'écrit Armin. Si tu as besoin d'aide pour retrouver ton chemin, va voir le chapelier.
Les Tweedle lui montrent une boutique pas loin. Alice les remercie mais, ils ont déjà disparus. Alors, elle approche la chapellerie. A peine est-elle arrivée devant la porte qu'un doux parfum de pêche envahi son odorat. Elle rentre, la porte n'est pas fermée. Il y a des chapeaux empilés un peu partout. Alice voit réunis au même endroit casquettes, couronnes, haut de formes, bérets, canotiers, toques et turbans. Des centaines de couvres chef.
  Une tasse. Une tasse passe à côté du doux visage d'Alice. Elle n'a même pas le temps de bouger que l'objet fuse vers le mur. La porcelaine émet un son cristallin avant d'éparpiller ses morceaux sur le sol. Alice revoit la scène au ralenti. Elle ne comprend pas. Elle est repérée, elle est attaquée. Elle doit se défendre. Non. Elle fronce les sourcils. Pourquoi serait elle "repérée" ou "attaquée" ? C'est une cliente. Une jeune fille passe sa tête par la fenêtre qui relie la boutique à l'atelier. Elle a de longs cheveux blancs et ses yeux jaunes luisent. Elle porte un chapeau de magicien, pense Alice. Mais, il est délabrée, différentes étoffes de tissus en sortent. Une étiquette se mêle entre le taffetas et le tulle. Serait-ce... Un prix ?
- Bonjour !
Alice hésite. Ne devrait-elle pas retourner dans la rue ? Chercher les Tweedle ? Mieux, demander son chemin à un passant. Le Chapelier a l'air si gentil...
- Bonjour...
Le Chapelier lève le bras et ouvre la main. Le mur séparant le magasin en deux monte vers le plafond. Elle esquive et passe sous l'ancienne façade. Elle est vêtue de cuir et de tissus colorés, comme son chapeau. Elle avance vers Alice. Elle est si belle mais ses gestes sont si étranges. On dirait une poupée. Derrière elle, il y a une grande table. Une nappe blanche l'orne, tachée de tous les côtés. Il y a de la vaisselle cassée et un service à thé. D'innombrables chaises l'entourent. La plupart sont vides mais il y en a quand même deux de prises.
  Un jeune homme est assis, il a les cheveux noirs et l'air sombre. Ses yeux marrons contemplent le chapelier. Il porte une tenue d'officier de coeur. A côté de lui, une jeune fille. Elle a les cheveux blonds et roses. Elle inspecte Alice avec de grands yeux gris puis lisse les pans de sa robe noire. L'homme prend la parole en premier :
- Auriez-vous vu Lysandre ? Il est encore en retard... Si ça continue, il devra encore passer au supplice des oreilles de lapin.
Le Chapelier rougit et croise les bras.
- Leight ! Quel idiot fais-tu de ne pas te présenter ! Chère invitée, voudriez-vous du thé ? Après tout, vous êtes chez le Chapelier !
Alice a une envie tordante d'éclater de rire. On boit du thé chez le Chapelier. C'est normal de boire du thé chez une chapelier. On vient chez le Chapelier pour boire du thé. Un chapelier, ça vend du thé. Et puis quoi encore ? La petite blonde s'amuse à lancer des tasses à tout vent ? Alice laisse échapper sa valise. Elle se sent tomber mais, non, elle ne tombe pas. Le chapelier vient de se baisser. Leight a eu le temps de se pousser. Alice n'a pas esquivé. La petite l'a fait. La petite a lancé la tasse. Elle a lancé la tasse ! Alice a juste le temps de cligner des yeux. Elle s'effondre. La tasse l'a touchée. Son sang goutte sur le sol. Les dernières paroles qu'elle entend se figent dans son esprit.
- Nina ! Rosaly...a...